Par Martin Jumbam
(Traduit de l'anglais par Moise Ateba Ngoa de l'ASTI, Buea)
Je me trouvais avec un ami l’autre jour au bureau lorsque mon téléphone a sonné. Au bout du fil, j’avais une infirmière en service à la banque de sang de l’hôpital Laquintinie. Elle m’annonçait qu’une femme qui devait subir une opération chirurgicale délicate cette après-midi-là, présentait une anémie sévère. Elle souhaitait par conséquent savoir si je pouvais me rendre à l’hôpital pour y faire un don de sang.
Je lui ai alors répondu que j’allais y être dans une heure. Puis, j’ai fait le point de ma brève conversation téléphonique avec mon ami qui m’a jeté un regard réprobateur, comme si je venais de faire quelque chose d’illégal en acceptant de faire don de mon sang. Il n’a pu s’empêcher de me demander, sur un ton qui trahissait son émotion : « Penses-tu vraiment t’y rendre pour un don de sang ? » « Bien sûr », ai-je répondu. « Selon toute vraisemblance, tu ne connais même pas la dame en question», a-t-il ajouté. Il avait l'air vraiment troublé. « Tu as tout à fait raison, mais j’en ai l’habitude. Je ne la connais pas, certes, mais je n’ai pas besoin de savoir qui elle est. Je lui fais don de mon sang, dans l’espoir que son intervention chirurgicale se déroulera avec succès°», ai-je rétorqué. Je me rappelle encore sa voix sceptique et son air perplexe au moment de nous séparer.
Pendant que j’affrontais les affres de la circulation routière d’un vendredi soir à Douala où l’on avance à la vitesse de l’escargot, avec des chauffeurs de taxi qui foulent aux pieds toutes les règles du code de la route et échangent au passage des insultes et des gestes obscènes, rivalisés en cela par des motocyclistes, les fameux « bendskineurs » ayant à leur bord trois ou quatre passagers qui foncent tout droit sur vous ou effectuent des dépassements dans tous les sens, la question de mon ami me hantait encore : « Pourquoi donnes-tu de ton sang à une inconnue ? » Ma réponse l’a plutôt intrigué davantage. « Je le fais pour Monica. »
Qui est Monica ?
Lorsque je lui ai parlé de Monica, il a ouvert de grands yeux et a posé un regard interrogateur sur moi. Mais avant qu’il n’eut le temps de me poser la question : « Mais qui est Monica, bon sang ? », j'ai vite fait de lui donner la réponse. « Monica, au cas où tu souhaiterais le savoir, est, ou dois-je dire, était ma sœur, la seule que j’ai jamais eue. Elle est décédée en 1975. Elle serait décédée vingt ans plus tôt si quelqu’un, ou plutôt, si certaines personnes, dont plusieurs inconnus, ne lui avaient pas fait un don de sang. Ce fut le sang de parfaits inconnus qui redonna vie à ma sœur. Certes, elle mourut plusieurs années plus tard mais ce n’était guère par manque de sang.
À l’époque, j’étais encore très jeune lorsque ma sœur fut transportée de toute urgence à l’hôpital catholique de Shisong. Elle avait déjà séjourné pendant plusieurs semaines à l’hôpital, lorsqu’un jour mes parents revinrent à la maison, complètement atterrés. Je les entendais discuter à voix basse de l’état de ma sœur, et le moins que je puisse dire, c’est qu’elle n'allait pas du tout bien. Puis mon père nous a appelés, mon frère et moi, et nous a demandé de nous rendre à l’hôpital qui se situait à plusieurs kilomètres, pour rendre visite à notre sœur et lui apporter son repas.
Nous étions tout excités, à l’idée de quitter notre village, Nkar pour nous rendre à Kumbo ou Shisong. Nous aimions les grands espaces autour de nous, l’air frais et les collines qui s’étendaient à perte de vue, ainsi que les vallées que nous devions traverser pour atteindre notre destination. Ce voyage qui nécessitait trois heures de marche nous prenait alors le double de ce temps.
Une fois à l’hôpital, nous regardions avec admiration le docteur et les infirmières dans leurs magnifiques blouses blanches et leurs stéthoscopes qui pendaient autour du cou. Nous contemplions la propreté qui régnait à l’hôpital, un espace que j’allais aussitôt détester, comme c'est encore le cas aujourd'hui ; du fait de l’odeur pénétrante des médicaments qui caractérise l’environnement hospitalier. Les hôpitaux ont toujours représenté quelque chose d'intimidant pour moi et c’est sans doute la raison pour laquelle je n’ai jamais rêvé d'étudier la médecine. Même lorsque mes amis d’enfance et moi-même parlions de nos rêves de carrières, la médecine ne m’a jamais traversé l’esprit, sans doute à cause de l’odeur des médicaments, que j’ai du mal à supporter.
Scène intrigante
À notre arrivée à l’hôpital, nous avons trouvé l’un de nos cousins assis sur un banc. Il nous a aussitôt conduits au chevet de notre sœur. Ce qui m’a frappé ce jour-là et qui continue de me donner des frissons, ce sont tous ces tubes qui pendaient au-dessus du lit de ma sœur, l’un dans son nez et un autre sur son bras. J’avais du mal à croire que le corps frêle sur ce lit était ma sœur, jusqu’à ce qu’elle se retourne à notre vue, pour nous adresser un sourire. En effet, je ne pouvais le nier, c’était ma sœur qui nous souriait, quoique affaiblie par la maladie. Je l’avais reconnue et mon cœur se serra, puis les larmes embuèrent aussitôt mes yeux.
Au bout des tuyaux pendaient deux poches, l’un contenant un liquide clair comme de l’eau et l’autre un liquide d’un rouge foncé. Notre cousin nous souffla qu’il s’agissait du sang. La vue de tout ce dispositif m’intimidait et je faillis m’enfuir de cette chambre. Ma sœur pouvait à peine dire un mot et souffrait atrocement. Quelque temps après, deux infirmières sont entrées et nous ont souri avant de nous prier de quitter la pièce pour administrer des soins à ma sœur.
Dès que nous sommes sortis, notre cousin nous a fait savoir que des gens faisaient des dons de sang à notre sœur, puis il nous a invités à le suivre. Nous avons obéi et avons emprunté un long couloir propre en inhalant toutes sortes d’odeurs de médicaments. À travers une fenêtre, nous pouvions apercevoir notre oncle et deux inconnus assis avec des tubes qui pendaient à leurs bras et du sang qui était recueilli dans des poches. Notre oncle nous a demandé d’approcher et a déclaré qu’il faisait un don de sang à notre sœur. Puis il nous a présenté les deux personnes à ses côtés et a révélé qu’ils s’étaient portés volontaires pour faire un don de sang à notre sœur. À cette époque-là, donner du sang pour quelqu’un ne signifiait pas grand-chose pour moi. Ce qui me fascinait, c’étaient ces aiguilles qui débordaient des bras de donneurs et je me rappelle avoir grimacé en m'imaginant la douleur que cela devait causer. « Oh, tout ce sang retiré du corps de quelqu'un ! » m'étais-je alors exclamé. Dieu, j’étais loin de m’imaginer qu’on puisse survivre après avoir donné une si grande quantité de sang !
J’étais cependant loin de me douter que la vue de personnes assises, tendant un bras sur lequel était plantée aiguille, allait me hanter toute ma vie durant. Plus tard, j’ai appris que ces personnes généreuses, arrivées au plus fort de la crise, ont accepté de donner volontairement de leur sang à ma sœur. Notre oncle a déclaré que certaines d’entre elles étaient de parfaits inconnus qui se rendaient au marché de Kumbo. Il leur avait été simplement demandé de faire don de leur sang et ils l’avaient fait spontanément. Certains le faisaient d’ailleurs pour la toute première fois. Quelle marque de générosité et de compassion !
Au bout du compte, notre sœur a surmonté cette crise, puis a quitté l’hôpital pour revenir à la maison. Je me souviens qu’elle ne cessait de remercier ceux qui avaient posé cet acte de générosité à son égard et lui avaient permis de revivre. Bien que ne se rappelant pas ce qui s’était passé, puisqu’elle était restée une bonne partie du temps dans le coma, chaque fois qu'elle évoquait son séjour à l’hôpital, elle ne me manquait pas, un seul instant, d’évoquer la quantité de sang qu’elle y avait reçue. « Et d’où serait venu tout ce sang s’il n’y avait pas eu ces âmes généreuses ? », se demandait-elle. On pouvait alors déceler une marque de gratitude dans sa voix
Donneur de sang à mon tour
J’avais alors presque vingt ans en 1975, lorsque la maladie a encore frappé ma sœur, qui a finalement répondu à l’appel du Créateur, qui l’a appelée au repos éternel. Nous sommes cependant restés reconnaissants envers tous ceux-là qui avaient permis qu’elle vive encore tant d’années après sa première crise.
Ce fut quelque trois ans plus tard, en 1978, que je fus mis, à mon tour, face au défi de donner mon sang pour sauver une vie (des vies ?) que je ne connaissais pas et que je ne connaîtrais probablement jamais. Cela est arrivé à un endroit et à un moment où je m'y attendais le moins. J’étais alors étudiant à Paris, à l’Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris 3 où je préparais un « Master’s » en Littérature comparée. Un ami camerounais et moi venions de terminer notre cours ce matin là et nous nous dirigions vers la station de métro. C’est à ce moment que nous avons aperçu, garé sur le trottoir, un bus frappé de l’emblème caractéristique de la Croix Rouge. Il y avait beaucoup d’agitation dans le bus et autour de celui-ci.
Nous serions passés sans nous y attarder, si une dame d'un certain âge et de taille moyenne, élégamment habillée et arborant un large sourire, ne nous avait pas arrêtés pour nous demander si nous ne voulions pas donner un peu de notre sang. Je dois avouer que j’avais été vraiment décontenancé par sa demande. Sans trop réfléchir, je lui demandai si on voulait aussi du sang des gens comme mon ami et moi. Je n'avais sincèrement jamais pensé que la Croix Rouge française voudrait du sang de Noirs. C’est incroyable, le degré de racisme que l’on assimile lorsque l’on vit dans une société qui cristallise tant les différences raciales.
Cette femme pleine de cran, qui affichait une fière allure, s’est tournée vers moi. Le sourire avait soudainement disparu de son visage et elle m’a saisi par le bras. Elle me demanda tout en me fixant droit dans les yeux : « Mon fils, pourquoi vous, jeunes gens, continuez-vous d’entretenir cet odieux sentiment d'exclusion. Ne sommes-nous pas tous des êtres humains ? La couleur du sang qui coule dans vos veines est-elle différente du sang qui coule dans les miennes ? Je vous prie, jeune gens, cessez d’entretenir ces divisions entre nous. Si vous ne voulez pas faire un don de sang, je vous comprends, mais ce ne devrait pas être pour la raison que vous évoquez. »
J'avoue que j’avais été pris au dépourvu par sa réaction. Je me serais attendu à ce qu’elle me tournât le dos pour aller vers ceux de la même couleur qu'elle, mais, au contraire, elle a pris la peine de me rappeler que l'humanité est une, et surtout combien notre compréhension de cette notion était encore à son stade embryonnaire. Et comme je l’écoutais, je me suis directement souvenu de ma sœur, Monica. J'ai cru voir son visage apparaître dans un coin du ciel, m’encourageant à faire un don de sang. Et je le fis. Je me suis alors dirigé vers ce bus et mon ami camerounais, après un moment d’hésitation, m’a suivi.
Des infirmiers vêtus de blouses blanches nous ont salués. Leurs sourires contribuèrent à nous rassurer et à dissiper la peur en nous. Après leur avoir avoué que c’était la toute première fois que nous donnions du sang, ils nous tapotèrent à l’épaule et louèrent notre grande générosité. Ils nous rassurèrent en nous disant que tout serait fini avant de nous en rendre compte, et tout se passa comme ils l'avaient annoncé. Quelques minutes plus tard, j’ai ressenti une légère douleur au moment où la seringue pénétrait ma veine. Il m’avait été recommandé d'ouvrir et de fermer la paume de la main de temps en temps pendant l’opération.
Environ vingt minutes plus tard, nous reçûmes chacun un bol de lait chaud et un bout de pain. Puis nous prîmes congé des infirmiers qui nous remercièrent. Et à l’entrée du bus, se tenait encore la femme qui m'avait repris plutôt à cause de mon observation. Elle s’est avancée et nous a surpris avec un énorme baiser à la joue de chacun de nous. Puis, nous sommes partis avec le sentiment d’avoir accompli quelque chose d’utile ce jour-là. Pour mon ami camerounais, c’était juste une aventure parmi tant d’autres en terre européenne. Mais pour moi, cela constituait le début d'un rituel en hommage à ma sœur, Monica. Chaque fois que je fais un don de sang, elle est présente dans mes pensées et me sourie. Elle approuve ce que je fais et je sais que j’accomplis un acte positif.
Quelque temps après, la Croix Rouge française nous a envoyé des cartes de donneurs. J’ai jalousement gardé la mienne pendant de nombreuses années. Plus tard, j’ai étudié à l’Université de Georgetown à Washington D.C., puis à l’Université d'Alberta à Edmonton au Canada. Et dans toutes ces parties du monde, j’ai continué de faire don de mon sang, sans que personne ne décline mon offre sous prétexte que je suis un Noir.
Donneur no B298
Je suis retourné au pays au début des années 1980 et je me suis installé à Douala. Et depuis lors, j’ai continué à faire don de mon sang. Pour tout dire, je suis le donneur no B298 à la banque de sang de l’hôpital Laquintinie. Je réponds toujours favorablement à tout appel relatif au don de sang. Et je le fais toujours comme s’il s’agissait d’un don de sang pour ma sœur, Monica. J’étais malheureusement très jeune à cette époque et je ne pouvais pas le faire pour elle mais, une autre personne, mieux, d’autres personnes l’ont fait pour la ramener à la vie.
Il y a de cela quelques mois, j’ai été sollicité pour donner du sang pour quelqu’un qui était en phase terminale d’un cancer. Le sang que j’ai donné, et celui d’autres personnes aussi, n’était pas destiné à lui sauver nécessairement la vie, car les docteurs avaient diagnostiqué qu’il vivrait à peine quelques mois encore. Mais il a à peine tenu quelques semaines de plus. Nous avons donné notre sang pour apaiser la douleur atroce qui l’affligeait. Notre sang a contribué à l’apaiser et à le préparer à une mort moins douloureuse. Là encore, j'ai la conviction que mon sang a servi une noble cause. Il n’a peut-être pas sauvé une vie mais a apaisé une âme en route pour rencontrer son Créateur. Quoi de plus gratifiant que de permettre à un homme ou une femme de mourir dans la dignité°?
Crash du vol de Kenya Airways
Il y a quelques années, une énorme tragédie a frappé notre pays. Un avion de la compagnie aérienne Kenya Airways partant de Douala pour Nairobi s’est écrasé quelques minutes seulement après son décollage à cause du mauvais temps. Il n’y a eu aucun survivant. Je me suis senti profondément touché par cette tragédie, pas que j’y aie perdu un proche, mais parce que si ce drame avait eu lieu quelques heures plus tôt, j’en aurais été l’une des victimes, car j’avais effectivement embarqué à bord de ce même avion ce matin-là en provenance de Mumbai en Inde via Nairobi. Et j’avais fait un voyage agréable. Je me revois encore regardant à travers le hublot, alors que nous survolions l’immense et verdoyante forêt équatoriale, et je me disais : « …Et si cet avion descendait soudainement en chute libre, cette amortirait-elle notre chute et retiendrait-elle l’avion jusqu’à l’arrivée des secours, ou ces branches réduiraient-elles notre avion en miettes ? » Mes doigts se resserraient fortement sur mon rosaire !
Dieu merci, nous avons atterri sans le moindre incident à Douala. Les passagers de Douala ont débarqué et les autres passagers poursuivaient leur vol pour Abidjan en Côte d'Ivoire. Le lendemain, samedi, nous avons appris l'horrible tragédie qui a frappé ce vol et ses occupants à destination pour Nairobi. Quel triste événement !
Il me souvient encore qu'un mois plus tard, j'ai été appelé à l’hôpital Laquintinie pour un don de sang, et ce que j’y ai vu était lamentable. Des personnes étaient alignées devant la banque de sang mais elle était désespérément vide. L’attitude d’un jeune homme à quelques mètres de moi a particulièrement retenu mon attention. Il bougeait sans arrêt, parlait tout seul, levait de temps en temps les bras au ciel et avait l’air complètement désespéré. D’autres exprimaient leur frustration à vive voix, menaçant même de s’en prendre physiquement au personnel si celui-ci ne mettait pas à leur disposition du sang qui servirait à transfuser des personnes qui leur sont chères. Mais la réalité était cruelle : la banque de sang était vide.
J’ai demandé à l’une des infirmières ce qui n’allait pas avec le jeune homme, visiblement à bout d’une crise de nerfs, et elle m’a rétorqué que son épouse se trouvait aux urgences entre la vie et la mort et avait besoin de sang de toute urgence. « Mais pourquoi ne lui donnez-vous pas le sang dont il a besoin ? », ai-je demandé. C’est alors qu’elle a ouvert les congélateurs, qui étaient complètement vides. Pas la moindre goutte de sang à la banque de sang!
Et pourquoi ? « Tout le sang a disparu suite au crash du vol de Kenya Airways l’autre jour. » J’ai regardé l’infirmière qui me donnait cette réponse avec stupéfaction. C’est alors qu’elle m'a expliqué que, suite à l’annonce du crash, tous les responsables d’hôpitaux de la ville de Douala ont pris l'initiative la plus appropriée dans ce genre de situation, à savoir mobiliser le sang de toutes les banques de sang, en prévision des premiers soins aux éventuels survivants du crash qui auraient urgemment besoin d’une transfusion sanguine. En effet, l’infirmière en question semblait louer l’initiative de son patron. « Nous n’avons fait que ce qu’il fallait faire : apprêter du sang pour d’éventuels survivants ».
Mais alors, puisqu’il n’y a eu aucun survivant, on se serait attendu à ce que le sang retourne à la banque de sang de l’hôpital. Tout intrigué, je lui ai demandé quel était donc le problème ? Elle m’a souri et m’a répondu : « On est au Cameroun, non ! » Puis, avant de tourner le dos, elle pointa du doigt une personne, apparemment un haut responsable de l’hôpital, et déclara avec un air de dédain : « Voilà mon patron, allez lui poser la question. » « Ils sont mieux placés pour dire où est passé le sang. »
Étant donné qu’il n’y a pas eu de survivants dans le crash, le sang prélevé dans les banques de sang des hôpitaux et dans certaines cliniques de la ville, a certainement pris les jambes à son cou et s’est refugié dans les autres cliniques de la ville. C'est un secret de Polichinelle que les médecins en service dans les hôpitaux sont, pour la plupart, propriétaires de cliniques. C’est probablement dans les réfrigérateurs de ces cliniques que le sang que certains d’entre nous ont gracieusement offert à la banque de sang de l’hôpital Laquintinie a terminé sa course.
À ce même endroit, j’assistai impuissant à une scène. Un homme sautillait d’une jambe à l’autre, l’air dépité et se parlant à lui-même, car sa femme avait désespérément besoin de sang, suite à une opération qui lui avait fait perdre beaucoup de sang. Sa vie ne tenait plus qu’à un fil. Même le sang qu’il avait obtenu de deux ou trois individus, visiblement faméliques, ne pouvait pas servir puisqu’il devait au préalable être analysé au laboratoire. Selon des sources hospitalières, une quantité importante du sang reçu des donneurs finit sa course dans la poubelle, car contaminé par tous types de virus (VIH, IST, Hépatite, etc.).
Il n’y a pas longtemps, le Ministre de la Santé Publique, en personne, s’est rendu dans la ville de Douala pour superviser une campagne de don de sang. J'aurais ri à me casser les côtes s’il ne parlait pas de personnes entre la vie et la mort, lorsqu'il s’est plaint des faibles quantités de réserves de sang dans les hôpitaux de la ville de Douala. Mais il ne s’agit pas d’une histoire amusante. Savait-il que les hôpitaux de la ville de Douala manquaient cruellement de sang parce que les médecins ont profité du crash pour faire main basse sur les banques de sang ?
Don de mon sang aux pauvres
Ce n’est certainement pas le genre d’informations que les responsables de nos hôpitaux souhaiteraient voir tomber dans les honorables oreilles des hommes et femmes du gouvernement. Et puisque personne n’a pris la peine de demander aux simples infirmières ce qui est arrivé au sang prélevé à la banque de sang, les autorités du pays ne sauront jamais ce qui s'est réellement passé.
Malgré le détournement des poches de sang dans nos hôpitaux, je ne cesse de donner mon sang, pour la bonne cause, tout en espérant que ce sang contribuera à sauver la vie d’un pauvre, qui n’a pas les moyens de s’offrir du sang, tout comme des inconnus le firent pour ma sœur. À cause de toi, Monica, je continuerai de donner de mon sang aux pauvres et aux nécessiteux, même s’il est transfusé aux riches par l’action de médecins véreux.
En donnant mon sang pour toi, Monica, je me souviens, comme hier, de la première fois à l’hôpital de Shisong, où je t’ai vue avec des tubes qui m’ont intimidé, dont celui au bout duquel pendait une poche de sang qui passait lentement dans tes veines. Ce sang provenait de parfaits inconnus, qui ne te connaissaient même pas, mais qui t'ont donné une seconde chance. Mais le Bon Dieu a jugé bon de te rappeler auprès de Lui. Je ne cesse de verser des larmes sur ta tombe en mémoire de toi. A ce titre, je ne cesserai de donner ce précieux liquide de la vie qu’est le sang. J'ai espoir que je sauverai une vie, de sorte qu'aucun pauvre ne fasse plus la queue, en vain, devant une banque de sang vide pour sauver la vie d'un être cher, qui se bat contre la mort dans une salle d’opération. Puisse mon sang continuer d’apporter la vie là où règne le désespoir. Amen.
It's a pity I don't speak Portugese to read this article without translation services. Thanks a lot!
Posted by: freelance jobs | April 09, 2011 at 04:02 PM